Cela fait presque trois décennies que sa mort est annoncée, que son port est l'objet d'interprétations péjoratives en tout genre et que le fait d'omettre, à dessein, de la porter reste globalement considéré comme un acte de rebellion envers les conventions.
Pourtant malgré le fait que l'hallali ait semblé sonner de nombreuses fois pour notre cravate adorée, cette dernière semblait parvenir à s'arc-bouter (surtout en Europe) et à résister à toutes les tempêtes en restant fermement nouée à nos cous avec force arches, gouttes, demi-Windsor et old Berties.
Même l'ouragan du "casual friday" et le typhon du "dressing down" (deux inventions de l'Oncle Sam) n'étaient pas parvenus à la faire complètement disparaître, la faisant cependant résolument passer, depuis la fin des années 90, dans la catégorie des espèces menacées.
Cependant depuis que le Prince Harry est apparu en public sans cravate en Juin 2016 (à un événement militaire de surcroit), le mouvement s'est franchement accéléré pour atteindre son paroxysme il y a un mois avec la décision, très commentée outre-Manche, de ne plus imposer le port de la cravate à la Chambre des Communes à Londres!
Une décision que le drolatique Jean-Luc Mélenchon, toujours à l'affût de la moindre insoumission, n'allait évidemment pas manquer d'importer à l'Assemblée Nationale en invoquant, je cite, "le rejet de codes vestimentaires qui nous sont imposés". Quelle audace!
La vérité dans toute cette agitation politicienne autour du symbole de la cravate et des messages trop conservateurs qu'elle serait supposée transporter, c'est qu'une fois de plus les politiques ont une longueur de retard sur le monde dans lequel ils vivent...
Car si omettre de porter la cravate en 1990 dans un parlement ou un tribunal eut représenté un acte légèrement subversif , le faire en 2017 représente un non-événement absolu : cela fait en effet belle lurette que plus personne ne s'offusque de ne plus voir de cravates au cou des politiques, des banquiers, des avocats ou des animateurs de télévision. D'ailleurs, entre nous, au vu du goût très discutable de la grande majorité de la classe politique, l'absence de cravate est parfois salutaire pour nos rétines : fini le bout de soie qui pendouille sur les bijoux de famille ou la cravate en polyester avec des motifs de Mickey offerte à Noël par le petit neveu.
Evidemment ces assouplissements des codes ont été catastrophiques pour le secteur du "neckwear" jusqu'à la fin des années 2000, le marché ayant chuté de 1,8 milliards de $ en 1995 à 418 millions en 2009.
Mais une analyse un peu plus fine permet cependant de brosser un tableau nettement moins sombre : car non seulement le marché s'est depuis stabilisé, mais il est devenu en outre un marché de niche pour amateurs éclairés se fournissant désormais chez de vrais spécialistes (les authentiques fabricants de cravates). Pour le dire autrement, ce que le marché des cravates a perdu ce sont prioritairement les affreuses cravates de petite qualité qui étaient portées par obligation et non par choix.
Ce qui se passe autour de la cravate est donc assez classique : un marché de masse (un accessoire porté par obligation) se transformant en marché de niche (un accessoire porté par choix) avec une amélioration considérable de la qualité des produits qui s'adressent désormais à une clientèle connaisseuse et exigeante.
A titre personnel j'aime beaucoup cette idée que le port de la cravate, tout comme celui d'un beau costume de qualité bien coupé, redeviennent porteurs de vrais messages, et notamment du respect que l'on porte à sa fonction, à son institution, à soi-même et aux autres.
Une belle cravate bien assortie à une belle tenue est donc plus que jamais un media très puissant pour celui qui la porte. Les vrais amateurs de (très) belles cravates savent très bien de quoi je veux parler.
Et pour apporter notre pierre à cet édifice (et suite au succès de notre édition limitée de chemises blanches Marol et aux nombreuses demandes reçues nous demandant de réitérer ce type d'opérations), j'ai le plaisir de vous annoncer que nous allons vous proposer à la rentrée deux produits en édition strictement limitée PG : une mini-série de cravates (vraiment) d'exception réalisée avec Annalisa Calabrese à Naples ainsi qu'une petite série de mouchoirs de poche ultra luxueux, aussi réalisée pour nous par Calabrese.
La cravate est morte, vive la cravate !