Start smoking (again)

Léon LUCHART
24/1/2025
Start smoking (again)

C’est un fait : on voit peu de smokings dans les salles de concert, encore moins dans les restaurants ou les grands bars.

Pour expliquer cela, il faut bien sûr prendre en compte notre réalité sociale : l’habitude de se changer en soirée pour passer une tenue spécifique, après la journée de travail, n’a plus tellement cours, même parmi certains cercles aisés. Par ailleurs, les lieux et occasions qui exigent le port du smoking se font très rares - et de toute façon, le risque d'entrer en décalage avec le reste de son entourage est trop important. Je me suis pourtant rendu compte qu'il régnait un certain nombre de malentendus concernant le port du smoking - quand celui-ci subsiste. On m’a par exemple souvent soutenu que le black tie était un moyen pour les plus snobs d’afficher leur aisance financière. Or, je pense qu’une telle remarque mérite plusieurs précisions.

QUEL PUBLIC S’INTÉRESSE AU VÊTEMENT DE SOIRÉE ?

Rappelons pour commencer que le smoking (ou le beau costume en général) n’est pas strictement corrélé à la taille du portefeuille. Il sera évidemment plus aisé pour un homme fortuné de se faire tailler des costumes somptueux, mais le mouvement "sartorial" est aussi et en grande partie constitué de jeunes gens aux moyens limités, qui font de la garde-robe non pas une vitrine de leur richesse, mais plutôt de leur passion.

Au contraire donc, c’est une population jeune, soucieuse de verser un peu d’enchantement dans son quotidien, qui s’efforce de rassembler lentement et soigneusement les différentes pièces qui constitueront un jour la tenue de soirée idéale. Se composer un smoking reste un investissement, même s’il y a bien sûr l’option de la seconde main.

Mattéo Roibet

Ajoutons que le reproche du snobisme est un peu mal placé : passer un smoking représente un défi encore plus audacieux que celui de porter la cravate au quotidien. Bien souvent, c’est l'amateur de beaux vêtements qui sera jugé d’un air moqueur, comme s’il s’attachait à des traditions ridicules, ou se trompait de contexte. Difficile donc de laisser nos détracteurs prétendre que nous ferions cela par mépris social : au contraire, la moquerie jouerait plutôt en sens inverse.

Ajoutons que personne parmi nous ne cherche à imposer le smoking. Chacun reste libre de choisir s’il lui est possible d’incorporer ce vêtement dans sa vie, et s’il est pertinent de le faire. Mais qu’un passionné d’opéra sacralise le moment et les artistes au point de vouloir ressusciter une tradition tombée dans l’oubli, est-ce vraiment préjudiciable pour autrui ? Un beau smoking transforme un homme : est-ce donc un mal que d’aimer cela ?

POUR QUOI - ET POUR QUI - NOUS NOUS HABILLONS

Peut-être que certaines personnes croient que nos exigences vestimentaires trahissent un mépris. C’est pourtant l’inverse que nous faisons : au-delà du plaisir tout personnel que nous prenons à nous habiller (plaisir qui ne regarde que nous, et qui en vaut bien un autre, au demeurant), il y a l’envie de faire plaisir aussi à nos proches. Et cette démarche survit encore en certaines occasions dans les mœurs contemporaines : on le voit bien dans le cas des mariages, où l’invité consent à faire un effort pour honorer les mariés et l’occasion.

Ainsi, passer un smoking pour retrouver des amis lors d’une soirée cocktail, est une manière de célébrer le moment. Notez d’ailleurs que le port du smoking est loin d’être aussi superficiel que ce que certains pensent. Passer sa tenue de soirée, en ajuster les nombreux accessoires - en somme, accepter de prendre du temps pour quelque chose que beaucoup jugent inutile – constitue un rituel assez extraordinaire à vivre.

Laëtitia Hedde

« Le problème est que vous prétendez ne pas montrer de mépris, alors qu’en réalité, le fait d’avoir en face de soi quelqu’un de mieux habillé, de trop habillé, est déjà désagréable et humiliant ». Je ne connais que trop bien cet argument. Et j'y réponds ainsi. La quête de raffinement que nous poursuivons suppose de toujours prendre en compte les circonstances : une personne bien éduquée, qui connaît son étiquette, saura choisir une tenue adaptée au moment et aux individus. Ainsi, smoking il y aura si le contexte s’y prête – l’inverse serait effectivement maladroit.

Le smoking n’est pas un outil de discrimination sociale, ou s’il l’a été, je crois ce temps révolu. Ceux qui le portent encore (hors festival de Cannes ou dîner protocolaire) le font avant tout par plaisir, et rares sont ceux qui l’osent souvent, en réalité. Il est indéniable que ce vêtement reste une pièce d’exception, et que certains styles de vie s’en accommoderont mal. Mais si quelques passionnés – je ne m’attarderai pas sur la minorité qui peut effectivement arborer ce vêtement par orgueil, car il serait malhonnête de dire qu’il n’y en a aucun - se donnent encore la peine de se harnacher avant leurs soirées, s’ils se donnent tant de mal pour être au meilleur d’eux-mêmes… n’est-ce pas là un beau geste ?

Hugues Moretto

Partagez-moi vos réflexions sur le sujet,

Cheers

Léon