Dans les coulisses de la confection d'un smoking en grande mesure

Agathe VIEILLARD-BARON
7/12/2023
Dans les coulisses de la confection d'un smoking en grande mesure

Après avoir évoqué l'histoire du smoking au féminin, il était temps pour nous de vous présenter les différentes étapes de confection qui rythment la réalisation de cette pièce si extraordinaire.

Nous retrouvons à cette occasion Mattéo Roibet et Lucie Gimitelli, deux apprentis tailleurs que nous avons déjà eu le plaisir d'interviewer. Pendant plusieurs mois, ils ont consacré leur temps libre à la réalisation d'un smoking pour Lucie - un projet particulièrement audacieux, vous en conviendrez !

« Le tailoring pour femme est plus compliqué, nous confie Mattéo, en raison des formes, de la cambrure du dos, de la taille... »

Ce n'est visiblement pas la difficulté qui effraie nos deux apprentis tailleurs, qui découvrent la technique de confection du smoking à l'occasion de ce projet. Lucie se charge du pantalon, tandis que Mattéo s'attaque à la veste, pièce sur laquelle nous nous concentrerons ici.

Le patronage

Première étape, la prise de mesures. Aidé de quelques livres de coupe, Mattéo trace le patronage. Challenge supplémentaire, la coupe choisie : « Nous voulions être le plus « smoking » possible. Quelque chose de classique, mais féminin, qui fasse ressortir la ligne du corps par son cintrage. L'objectif était de mettre tout cela en valeur, sans limiter les mouvements, et sans donner dans l'oversize ». Pour le pantalon, évidemment, ni revers, ni pinces, mais un galon sur le côté.

La réalisation

Au total, une dizaine d'essayages ont été réalisés, et deux mises sur toile. L'objectif : vérifier l'exactitude du patron, en réalisant une veste selon les mesures et la coupe envisagées - une étape préliminaire exigeante mais nécessaire.

La toile d'essayage est piquée à la main, et chaque étape est effectuée comme s'il s'agissait du tissu final. Les altérations à effectuer sont marquées à la craie. Un perfectionnisme propre aux méthodes de la grande mesure.

Le tissu choisi n'est autre qu'une laine-mohair, étoffe assez légère. Les revers seront, selon les règles de l'art, en soie. Pour éviter que ces derniers ne se détendent, on prévoit un passement, qui vient rigidifier le dessous de la soie. Le tissu est piqué à la main, afin de permettre de rouler les revers. Ceux-ci sont montés à la main également ; une couche de ouatine sépare l'étoffe piquée de la soie, afin que la première ne marque pas la seconde.

Les poches, passepoilées, sont d'un modèle classique. Cependant, et selon le souhait de Lucie, la veste comporte, en plus des deux poches extérieures, deux poches intérieures.

La doublure est, quant à elle, coupée dans une belle soie gris perle.

Le choix de Lucie et Mattéo se porte sur un col châle - projet plus complexe qu'un col classique - monté d'une seule pièce. La doublure de la veste est réalisée avant la parementure du revers, afin de manipuler la soie le moins possible. « Réaliser le col châle d'une seule pièce, c'était mon challenge personnel » ajoute Mattéo.

Quid du tombé du dos, enjeu capital, s'il en est, dans la coupe d'une veste ?

Mattéo choisit de s'inspirer d'un détail typique de la maison Smalto, qui, évitant les fentes en bas de la veste, leur préfère un pli creux dans le dos. « Reproduire ce genre de détail, c'est une sorte de clin d'œil à la parisienne. »

Autre détail particulièrement élégant, les manches sont dotées de parements, faits du même tissu que le col.

Pour le cummerbund, le choix du classicisme : Mattéo a repris la soie du revers. Ici, les initiales sont brodées à l'intérieur de la ceinture de smoking.

Un projet, vous le devinez, qui n'a cessé de proposer des challenges spécifiques à l'entreprise ardue du tailoring pour femme. « Nous avons terminé trois jours avant l'occasion pour laquelle Lucie devait porter ce smoking » précise Mattéo.

Environ 200 heures de travail - 150 pour la veste - pour un résultat qui en vaut la peine !