Gentlemen,
pour les amateurs, de plus en plus nombreux, de style masculin classique, Naples est devenue, au fil du temps, une destination particulière, un nom magique, une ville qui fait partie aujourd'hui plus que jamais des trois capitales mondiales de l'élégance des hommes (avec Londres et Paris, bien loin devant Milan ou Rome).
Une ville qui, sous l'impulsion de tailleurs géniaux comme Vincenzo Attolini (coupeur chez Rubinacci, l'homme qui a remis en question l'école anglaise et est à l'origine du style local, un soft tailoring où la légèreté est érigée en sésame) ou de dandys inspirés comme Gennaro Rubinacci (qui habilla les élites locales et fut l'un des grands artisans de la définition et de la promotion du style Napolitain), occupe aujourd'hui indéniablement une place à part dans l'imaginaire collectif lorsqu'il est question d'hommes élégants et de style masculin.
Comprendre, décoder et, au final, adopter avec aisance un style dit Napolitain, n'est cependant pas donné à tout le monde. Car le style local est autant, comme toujours à Naples, une affaire d'état d'esprit que de vêtements. Dans l'ancienne Capitale du Royaume de Naples et des deux Siciles, deux-maîtres mots semblent en effet tout régir et confinent à l'obsession : la liberté de mouvement (avec ou sans casque sur les scooters) et la légèreté en toutes choses (issue, selon la légende urbaine locale, du "carpe diem" ambiant face à la menace permanente du Mont Vésuve).
Il va sans dire que ces deux-maîtres mots définissant si bien l'âme Napolitaine (auxquels j'ajouterai volontiers le mot "interprétation", dans toutes ses acceptions), se retrouvent au centre du style vestimentaire masculin local, très célèbre pour sa fluidité naturelle, son confort et sa nonchalance.
Tentative de décryptage sans filet d'un style si souvent (mal) commenté...
Cette fameuse épaule souple et tombante à été popularisée (sinon inventée) par le célèbre Vincenzo Attolini, à l'époque coupeur pour la florissante Maison Rubinacci installée sur la bouillonnante Via Chiaia, haut lieu du style masculin dans les années 50. Pour les plus puristes d'entre vous, il convient de citer également Giacomo Bruno et Domenico Caraceni (installé quant à lui à Rome) parmi les noms ayant inspiré le travail d'Attolini avec sa fameuse épaule Napolitaine.
Cette petite explication technique me donne d'ailleurs l'occasion de préciser que lorsque nous parlons "d'épaule" en tailoring, nous parlons en réalité, et plus précisément, de "montage d'épaule", c'est-à-dire de la manière dont la manche est assemblée à la veste au niveau de l'épaule. Dans le cas de l'épaule Napolitaine (ou épaule naturelle ou épaule tombante), la couture de la manche ne vient pas "buter" contre l'épaule (comme les constructions anglaises ou romaines où la manche est cousue SUR l'épaule) pour créer une effet de volume et insérer le padding nécessaire, mais donne au contraire l'impression d'avoir été réalisée SOUS l'épaule, à la manière d'une chemise.
En réalité, les deux techniques (Sur et Sous) sont utilisées, mais c'est surtout l'absence de padding qui donne cette impression naturelle aux deux types de montage : Spalla Camicia (couture sous la manche à la manière d'une chemise) et Con Rollino (couture sur la manche mais avec peu voire pas de padding pour conserver le tombé naturel). Les deux sont très représentatifs du "soft tailoring" à la Napolitaine.
Ci dessous, le montage classique "Con Rolino" (au premier plan) :
Ci-dessous, le montage "Spalla Camicia" (façon chemise), ajoutant encore un peu plus de légèreté et de liberté de mouvement.
Cette signature stylistique très marquée est en outre renforcée par le fait que la veste Napolitaine offre généralement des emmanchures très petites et, à l'inverse, des têtes de manches assez larges (toujours cette obsession de la liberté de mouvement), ce qui provoque le fameux effet "froncé" en tête de manche si prisé des connaisseurs.
Là où un oeil non initié verra une tête de manche pas très nette et des plis disgracieux, un connaisseur verra la quintessence du style nonchalant Napolitain.
A Naples plus qu'ailleurs, tout est fait pour réduire au minimum, même sur les vestes d'hiver, les doublures ainsi que l'entoilage interne aux vestes. Il en résulte des vêtements d'une légèreté inouïe et d'un confort extrême.
Ce petit détail, très Napolitain, est sans doute l'un des plus faciles à repérer mais l'un des plus méconnus du grand public : il concerne la poche poitrine des vestes qui est traditionnellement réalisée de manière courbe et non droite, et qui porte le nom de Barchetta (littéralement : petit bateau).
Même si elle ne sont pas, loin de là, l'apanage unique du tailoring Napolitain et qu'on les retrouve sur beaucoup de vestes sport et même, de plus en plus, sur des tenues plus formelles dans le monde entier, les poches plaquées sont particulièrement adaptées aux vestes Napolitaines. En effet, la combinaison unique de l'absence de padding et de doublure, de l'utilisation minimale de toile et de celle, maximale, de tissus ultra-légers conduit à la création d'un style par essence nonchalant et décontracté dans lequel la poche plaquée trouve, naturellement, toute sa place.
Dernier petit secret local pour les ultra-puristes : la manie, sur les manches, de faire se toucher, voire légèrement se chevaucher les boutons sur les manches (à boutonnières actives bien entendu).
A Naples, en matière de tailoring comme dans la vie, l'état d'esprit est donc le même : la vie, mais en mieux.
Carpe diem, HUGO