« Je n’avais qu’un seul but, du matin jusqu’au soir, me tailler une existence à mes propres mesures » disait Nietzsche.
Quelle belle citation pour tout amateur d’élégance classique !
Combien de sites ou de blogs vous proposent de « trouver votre style » ou encore « d’apprendre » à le construire ?
Les services de conseil et coaching qui parlent à tort et à travers de bespoke fleurissent tous les mois et je ne compte plus désormais le nombre de mails reçus de ces coachs se présentant comme des experts avec – soi-disant – des années d’expérience et souhaitant me demander de promouvoir leurs services sur mon Tumblr ou sur PG.
J’ai passé beaucoup de temps à m’inspirer de ce que je voyais autour de moi, dans les livres et les magazines ainsi que sur les divers réseaux sociaux pour déterminer les éléments qui me plaisaient dans telle ou telle tenue. Internet étant une gigantesque base de données, j’ai ainsi téléchargé par milliers les images de tenues qui me semblaient élégantes et je m’en suis inspiré pour mes achats et mes commandes auprès de diverses maisons.
Il m’est aujourd’hui impossible de compter le nombre de magazines que j’ai pu acheter durant toutes ces années dans toutes les langues possibles (y compris celles que je ne maîtrise pas !), pour trouver l’inspiration et affiner mes goûts. Après avoir passé près d’une dizaine d’années à construire le style qui me définit aujourd’hui et avec le recul, il m’est ainsi possible de tirer la conclusion suivante : ce sont avant tout les discussions que j’ai pu avoir directement avec les tailleurs qui m’ont le plus appris, qui m’ont permis d’évoluer et d’arriver à composer naturellement mes tenues.
Nul besoin de rappeler à nos lecteurs que toutes les boutiques qui utilisent, dans les rues de la capitale, le mot « sur-mesure » n’offrent ni le même savoir, ni la même qualité, ni le même service et encore moins le même conseil. Il convient donc de faire la différence entre ces commerçants plus ou moins sérieux et les vrais professionnels : ces tailleurs qui prennent le temps d’éduquer avec patience leurs clients sans arrière-pensée commerciale immédiate mais par pure passion pour leur métier.
Tous ces grands tailleurs ont un point commun : leur discrétion. J’ai d’ailleurs remarqué que les confidences faites dans un salon tailleur de haut niveau n’en sortent jamais et que le secret professionnel existe bien dans cette profession.
Au fil des années, j’ai pu nouer des relations privilégiées avec certains de ces grands professionnels et j’ai un profond respect pour les hommes qui dirigent ces maisons . Je souhaite aujourd’hui rendre hommage à deux personnalités parisiennes.
Michaël Ohnona, coupeur de formation, tient un salon d’élégance non loin de la Bourse et habille des hommes de toutes origines, de tous milieux et, surtout, aux motivations très diverses. Réputé pour son esprit affuté et frondeur, Ohnona parle de ses clients avec humour et amour :
« Loin de moi l’idée de sous estimer mes chers clients, mais se faire couper un costume chez moi ne confère le titre d’homme extraordinaire qu’à titre morphologique ! Je reste cependant persuadé qu’au sein de ma clientèle se cache un futur Bertrand Blier, amateur de cachemires écossais et, qu’au sein des nombreux avocats qui me font confiance, va se révéler un nouveau Robert Badinter. Des hommes extraordinaires donc… ».
Si cette introduction ne vous fait pas immédiatement aimer l’homme et son esprit, je vous prie de quitter cet article et de ne plus jamais lire mes publications ici.
Michaël Ohnona habille, coupe, adapte, forme et prépare. Il est l’une des adresses favorites des futurs mariés et nombreux sont les hommes qui passent chez lui, sur la recommandation d’un ami, sans avoir à titre personnel la moindre expérience dans l’univers de la mesure.
Sa patience est immense mais il n’hésitera cependant jamais à faire choisir un futur marié entre sa future femme et lui lorsqu’il s’agira de définir le costume de Monsieur si Madame s’évertue à s’immiscer dans tout, à faire des erreurs et à être désagréable.
J’aime les hommes qui sont capables de refuser des clients. Avoir constamment le courage de ses opinions, même au cours d’une relation commerciale est, vous l’avouerez, une vertu bien rare.
J’ai personnellement plus appris auprès de Michaël Ohnona qu’auprès de toutes les autres sources d’information réunies.
Il a notamment su faire preuve de patience avec moi à de nombreuses reprises lorsque, borné et assuré d’avoir raison sur la hauteur des pantalons, je demandais un montant relativement similaire à mes jeans. « Tu fais ce que tu veux, mais je vais te faire un deuxième pantalon, avec un montant d’homme, que tu mettras avec des bretelles ». Je fus, sur le moment, légèrement surpris de l’audace de ce personnage, par ailleurs très sympathique… mais six mois plus tard, je mettais au rebut le pantalon dont j’avais exigé les mesures et je ne portais plus que le pantalon « d’homme » qu’Ohnona m’avait conseillé.
Tout client a, évidemment, le droit à la parole et peut défendre sa cause auprès de Michaël. Mais force est de constater que ce dernier a toutefois souvent raison. Personnellement, j’ai presque tout appris de lui : les tissus, les styles anglais, français et italiens, les grands tailleurs, les icônes du style, les crans et surtout, l’art de sortir de l’ordinaire et de trouver ce qui, à terme, me définirait.
Comme il l’explique très bien lui-même ICI, Michaël Ohnona propose un service de petite mesure semi-traditionelle, à partir de 950 euros en fonction du tissu choisi. Pour une fabrication intégralement traditionnelle comptez un surcoût de 50%. Voir la grille complète des tarif ICI.
Mais au delà des produits, c’est bien le savoir et la gentillesse de l’homme ainsi que sa passion pour les détails qui font de son échoppe parisienne un passage incontournable de tout aspirant gentleman, où qu’il en soit dans son parcours sartorial personnel.
Voici, ci-dessous, deux costumes réalisés pour moi par Michaël Ohnona.
Certaines rencontres marquent à l’instant même où elles se produisent.
Impossible, en effet, de ne pas être marqué par le charisme et la modestie de Marc de Luca tant cet homme respire la dignité et la confiance. Eternel élégant, dans sa façon d’être, dans ses tenues ainsi que dans sa façon de s’exprimer, il représente, pour moi, l’archétype du parfait gentleman.
Maître tailleur de la maison Camps de Luca, autrefois dominant la Place de la Madeleine, aujourd’hui installée rue de la Paix juste en face de la maison Cartier, Marc de Luca dirige de main de maître l’héritage de son père, Mario de Luca, et de Joseph Camps, l’illustre tailleur catalan qui vit passer dans son atelier certains des plus grands tailleurs de ces trente dernières années comme Henri Urban, Francesco Smalto ou Claude Rousseau.
Aidé aujourd’hui dans sa tâche par ses deux fils, Julien et Charles, tous les deux aussi charmants et distingués que leur père, Marc de Luca continue d’habiller les grands de ce monde dans la discrétion la plus extrême.
Au-delà de ses clients aux moyens faramineux, Camps de Luca dispose également d’une petite clientèle d’initiés qui commande peu mais uniquement auprès de cette maison qu’elle considère comme le nec-plus-ultra de la profession.
Etant moi-même l’heureux propriétaire d’un costume Camps de Luca, j’en ai très souvent fait l’éloge dans le monde entier. La qualité de l’artisanat français (notamment tailleur) ne dispose pas d’une image couverture médiatique aussi large que Savile Row ou l’Italie mais elle surpasse largement, à mon sens, ces deux pays dans le domaine de la sophistication et de la perfection des finitions. Une qualité extrême qui ne se retrouve, finalement, que chez Cifonelli, l’autre grande maison parisienne dont l’équipe éditoriale de Parisian Gentleman fait régulièrement, et à juste titre, l’éloge.
Marc de Luca me fait souvent penser à l’élégance discrète que mon grand-père représentait si bien. A travers mes discussions avec le triumvirat familial de l’élégance parisienne – Marc, Julien et Charles de Luca– j’ai pu approfondir mes connaissances en matière de grande mesure, qui restaient auparavant purement fictives puisque uniquement fondées sur des lectures.
Observer les boutonniéristes à l’œuvre lors de la réalisation de boutonnières dites « milanaises » faites main fut pour moi, par exemple, une révélation quant à la qualité et la précision du travail des tailleurs parisiens.
D’un goût toujours très sûr, la famille de Luca partage avec plaisir ses connaissances encyclopédiques en matière sartoriale et la reprise récente de l’activité de Stark & Sons permet désormais à un plus grand nombre de clients de profiter du savoir-faire exceptionnel de cette institution du bon goût parisien avec des costumes (beaucoup) plus abordables, toujours entièrement entoilés, avec des essayages et des finitions réalisés à Paris.
Ci-dessous, mon costume Camps de Luca (grande mesure).
Paul Lux.
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Michaël Ohnona : 1, rue de Marivaux 75 002 Paris. Site Web.
Camps de Luca : 16, rue de la Paix, 75 002 Paris. Site Web.
Paul-Lux Tumblr.