Le Pitti Uomo, 88ème du genre, vient de fermer ses portes avec, comme à chaque édition, ses bonnes et ses mauvaises surprises, ses vraies innovations et ses (vraies) fausses bonnes idées, ses grandes forces et ses grosses faiblesses, ses réussites, ses déceptions, et évidemment, ses multiples excès. Nous y reviendrons en détails.
Au fil des ans, cette manifestation qui, rappelons le, reste avant tout un salon professionnel durant lequel les acheteurs du monde entier viennent faire leurs sélections et leurs achats, a fini par se muer en événement global : une vraie curiosité, unique au monde, voire une anomalie défiant toutes les lois modernes du marketing et de la communication qui nous enseignent, depuis tant d’années, qu’il convient surtout de ne pas mélanger les messages et encore moins les cibles.
– Mais qui est ce type vraiment mal habillé ?
– Oh, ce doit être un acheteur…
– C’est vraiment pas normal ! Ce type ruine toutes nos photos du Pitti. Ces acheteurs ne pourraient-ils pas organiser leur propre événement ?
Pourtant le Pitti Uomo est bel et bien devenu – et c’est là son charme absolument irrésistible – le grand fourre-tout du style masculin mondial où se croisent deux fois par an, et sans distinction apparente, acheteurs professionnels et acteurs amateurs, journalistes (forcément) blasés et blogueurs de tous poils expérimentant leurs premiers quarts d’heure « Warholiens », poseurs drolatiques et dandys burlesques désargentés, photographes en grappes, filles en jupes (courtes), vrais designers et faux Italiens.
Comme le montre avec beaucoup d’acuité notre ami RoSaCe de l’hilarant site Croquis Sartoriaux, le Pitti Uomo est bel et bien devenu une grande foire ouverte (presque) à tout le monde et dans lequel il est évidemment devenu très difficile de séparer le bon grain de l’ivraie. Mais qu’importe…
Si le Pitti reste, pour beaucoup de maisons, un moment crucial en termes de business, il est aussi devenu pour une foule d’autres « acteurs » (au sens propre comme au sens figuré) une sorte de fashion week « démocratique », c’est à dire un moment de communication intense et privilégié pour les maisons n’ayant pas les moyens de se payer des shows à 300 000 euros les vingts minutes et pour les blogueurs, éditeurs et photographes n’étant pas (encore) conviés à ces derniers.
Car si le Pitti Uomo est désormais suivi par tout le monde, « grande » presse traditionnelle comprise, il doit une grande partie de son succès planétaire de ces dix dernières années au monde digital et à ses blogueurs-tumblr-facebookeurs-whatever qui en ont fait leur fashion-week masculine à eux, dans laquelle il est, à ce jour, facile de pénétrer et, donc, de participer.
Car contrairement à ce qu’écrivait la grande Suzy Menkes dans son article (très) énervé d’il y a quelques temps (voir ICI), les blogueurs ne sont pas encore tout à fait entrés dans la citadelle du « Fourth Estate » et ne font en réalité encore que très peu partie des fashion weeks qui restent, à ce jour, réservées aux « fashion editors » en Mercedes avec chauffeurs qui, s’ils perdent leurs lectorats à vue d’oeil, ne perdent pas encore (tout à fait) leurs privilèges.
D’ailleurs pour avoir, avec PG, la chance de participer aux deux manifestations, le moins que l’on puisse dire c’est que l’ambiance n’est pas tout à fait la même au Palais Pitti ou dans les palais de Milan : extravagante et vraiment bon enfant au Pitti, l’atmosphère devient volontiers hautaine et peu sympathique dans les présentations des fashion weeks.
Evidemment il convient de ne pas mettre tout le monde dans la même malle, et il reste, fort heureusement, des maisons qui savent faire le pont entre les deux mondes.
Mais quoi qu’on en pense et quoi qu’on en dise, le Pitti Uomo reste un formidable laboratoire d’idées ainsi qu’un vrai moment de liberté, pendant lequel les hommes ont le droit de se comporter comme des femmes, de faire le paon devant les objectifs, de faire semblant de téléphoner pendant des heures et de se créer des personnages qui n’existent que deux semaines par an.
Incontournable, indispensable et formidable.
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