Tony Gaziano et Dean Girling ont fait leurs premières armes chez Edward Green (pour Tony) et chez George Cleverley (pour les deux).
Tony était à l’époque spécialisé en tant que formier-embauchoiriste, une discipline de plus en plus rare que seuls quelques artisans dans le monde exercent encore (dont le célèbre Hervé Brunelle en France, voir notre article ICI). En 2006, Tony et Dean décident de lancer ensemble leur propre entreprise de souliers haut de gamme : Gaziano & Girling.
Nous avons eu l’opportunité de visiter récemment la toute nouvelle manufacture de G & G installée à Kettering en Angleterre, une petite bourgade située en plein coeur du Northamptonshire, le berceau historique de la belle chaussure anglaise masculine. Nous avons également eu la chance de passer la journée entière avec Tony lui-même.
Résumer en un seul article une journée entière de visite et, surtout, des heures de discussions passionnées entre Sonya, Tony et votre serviteur est tout simplement impossible.
Voici cependant quelques idées (sept pour être précis) qui résument du mieux possible cette longue entrevue et qui vous permettront, je l’espère, de comprendre un peu mieux pourquoi Gaziano & Girling fait définitivement partie, avec quelques rares autres maisons se comptant sur les doigts d’une seule main, de ce qui se fait de mieux au monde aujourd’hui en matière de chaussures masculines.
1 – Gaziano & Girling est l’une des rares maisons de souliers à être encore dirigée au quotidien par d’authentiques artisans-bottiers de métier, maîtrisant parfaitement l’art, difficile et exigeant, de la fabrication de chaussures haut de gamme.
C’est probablement la raison principale pour laquelle G & G fabrique des souliers « bench-made » d’une telle qualité et qui souvent ressemblent à s’y méprendre à une belle paire de souliers sur mesures (le terme « bench-made », que l’on pourrait traduire littéralement par « fabriqué au tabouret », désigne la méthode traditionnelle de fabrication de souliers. Il ne s’agit pas de « bespoke » au sens propre car les artisans utilisent, pour certaines opérations, des machines mécaniques. Mais l’intervention de la main de l’homme reste absolument prépondérante dans la production « bench-made » de souliers de luxe.)
Seules quelques autres maisons de souliers haut de gamme dans le monde peuvent affirmer, en toute légitimité, être dirigées au quotidien par d’authentiques maîtres bottiers, comme Corthay à Paris et à Beaupréau, Vass à Budapest, Mario Bemer à Florence (dont la marque est Mario Bemer et pas Stefano Bemer), Paolo Scafora à Naples et une poignée d’autres de par le monde.
C’est d’ailleurs l’une des raisons principales pour laquelle l’homme d’affaires français Olivier Rosenfeld a décidé, il y a deux ans, d’investir de façon significative dans la marque afin de permettre à G & G de grandir et, surtout, de construire une nouvelle manufacture à Kettering, la ville où Tony Gaziano a grandit.
Grâce à cet apport financier important, Tony et Dean ont pu mettre sur pied un petit bijou d’usine, organisée selon leur vision idéale du métier et permettant de fabriquer efficacement des souliers en respectant à la lettre les méthodes traditionnelles.
2. Les souliers Gaziano & Girling proposent des cambrures particulièrement « pincées » et terriblement élégantes
La finesse et la cambrure des souliers G & G est sans doute ce qui différencie le plus l’entreprise des autres maisons.
Et bien que nous parlions ici de souliers bench-made (et pas bespoke, bien que l’entreprise offre également un service bespoke parmi les plus performants au monde), de telles cambrures et de telles lisses rondes sont rares en dehors du bespoke et témoignent d’un savoir-faire évident.
Avant d’acheter un soulier, regardez la semelle et jetez un coup d’oeil à la finesse de la cambrure.
S’il s’agit pour vous d’un élément de style absolument indispensable, Gaziano & Girling aura de quoi vous satisfaire car leur expertise dans le domaine atteint désormais des sommets…
3 – Alors que de nombreuses marques achètent des formes déjà prêtes, G & G conçoit et fabrique ses propres formes à Kettering
Les souliers Bench-made sont souvent réalisés à partir de formes pré-existantes achetées à des formiers-embauchoiristes tiers.
Chez Gaziano & Girling, comme le bench-made et le bespoke sont réalisés sous le même toit, les formes sont toutes faites maison.
Cette particularité, fort peu habituelle dans le marché du bench-made, apporte aux souliers G&G un supplément d’âme esthétique indéniable.
4 – Les souliers Gaziano & Girling : un extérieur de Ferrari, un intérieur de berline confortable
Grâce à l’expertise de Tony & Dean – de véritables bottiers et non de « simples » businessmen – les souliers G&G sont finement fuselés à l’extérieur, sans oublier de rester particulièrement comfortables à l’intérieur.
Quiconque ayant déjà souffert le martyr pour « faire » une paire de souliers neufs saura apprécier cette qualité.
C’est la même chose dans le Bespoke Tailoring : Mariano Rubinacci a l’habitude de dire qu’un bon costume napolitain est fin et élancé à l’extérieur, mais spacieux et comfortable à l’intérieur. Le même principe se retrouve chez Cifonelli, dont les vestes sont construites avec une toute petite poitrine et des emanchures placées très haut pour un rendu visuel au cordeau, tout en offrant une liberté de mouvement totale et une sensation de confort incroyable.
A titre d’exemple, lorsque j’ai porté une paire de Gaziano & Girling pour la première fois, je m’attendais à souffrir le martyr pour « faire » cette paire de la gamme « Deco », sans doute la gamme la plus élancée et la plus cambrée sur le marché. Pourtant, à ma grande surprise, je n’ai pas souffert un seul instant malgré la cambrure très pincée de ce modèle (le modèle Holden, un oxford au demeurant superbe) qui s’est avéré d’un confort parfait dès le premier port.
Cette capacité à offrir à la fois des lignes très « sculptées » et un vrai confort est sans doute la caractéristique la plus impressionnante chez G & G.
Gaziano & Girling représente ainsi, à mon humble avis, l’exemple parfait d’une transition réussie entre l’art bottier traditionnel et la production de souliers en prêt-à-chausser ainsi qu’entre le bespoke et le « bench-made ». De quoi faire de G & G l’une des entreprises de souliers masculins idéale du début du 21ème siècle.
5 – L’usine de fabrication à Kettering est compacte – mais très bien organisée et efficace
La manufacture de Kettering est la concrétisation et le prolongement des idées de Tony et de Dean. Ensemble, ils ont mis sur pieds une unité de production à la hauteur de leurs standards de maîtres bottiers en matière de qualité et d’efficacité.
Les machines mécaniques utilisées sont de « vraies » machines Goodyear de grande qualité, les matériaux travaillés sont tous du meilleur niveau et les méthodes d’assemblage et de fabrication sont toutes issus de la tradition du métier.
L’atmosphère, bien que très studieuse, est très agréable et une bonne humeur toute britannique semble régner dans tout le lieu.
6 – L’offre de Gaziano & Girling est extrêmement variée
« Variété » est l’un des maîtres-mots de la maison.
Là où de nombreuses marques ne proposent qu’une quantité de modèles extrêmement limitée, G & G est en mesure de proposer quasiment tous les types de modèles existants : du mocassin le plus casual au Richelieu le plus formel, du double boucle à la bottine et du derby à la chaussure d’opéra.
Certainement l’une des offres les plus larges du marché.
Depuis l’année dernière Gaziano & Girling propose également un service de patines dans sa boutique installée sur Savile Row à Londres.
7 – Gaziano & Girling est la première marque de souliers à posséder une boutique sur Savile Row
Comme nous l’avons expliqué dans l’article que reste-t-il de Savile Row ?, l’installation d’une boutique de souliers sur Savile Row constituait une première qui violait l’une des règles cardinales de la prestigieuse petite artère de Mayfair : celle consistant à ne louer les pas-de-porte qu’à des maisons de bespoke tailoring afin de préserver l’aspect exclusif du Row et de protéger les savoir-faire ancestraux qu’il abrite.
Toutefois, et compte tenu des changements récents étant intervenus sur Savile Row avec, notamment, l’arrivée d’investisseurs chinois, l’installation de Gaziano & Girling au 39 Savile Row a été bien accueillie et ce, pour de bonnes raisons : Tony et Dean sont en effet d’authentiques artisans anglais et le nom Savile Row leur sied comme une paire d’Oxfords sur mesure.
Une installation bienvenue en ces temps de grands changements sur un « Golden Mile » s’étant récemment transformé en « Gold Mine » pour spéculateurs de tous poils, sans scrupules ni respect pour ce que représente Savile Row pour les amoureux de Bespoke tailoring britannique.
Et pour ne rien gâcher, Tony Gaziano, que nous connaissons beaucoup mieux que Dean, est un homme absolument charmant et très généreux – comme en témoigne sa relation de mentor avec Justin Fitzpatrick (notre Shoe Snob !) qu’il a énormément aidé lors de ses débuts – et qui n’a pas hésité à passer la journée entière en notre compagnie en bouleversant son emploi du temps et en ne répondant à – presque – aucun appel téléphonique. La grande classe.
Gaziano est ce qu’on appelle outre Manche un working class hero. Un fils d’immigré italien, ayant démarré en tant qu’apprenti, ayant réussi, des années plus tard, à créer la seule maison de souliers installée sur Savile Row et ayant bâti, à force de travail et de persévérance avec son collègue Dean Girling, l’une des marques de chaussures masculines haut de gamme les plus prometteuses au monde.
Chapeau bas et respect.
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Gaziano and Girling Ltd,
39, Savile Row, London W1S 3QF
Email: sales@gazianogirling.com
Phone: +44 (0) 207 439 8717
Website : http://www.gazianogirling.com