Gentlemen,
je ne sais pas si c'est un effet (inconscient) du tapage médiatique actuel autour du Made in France, mais je me surprends depuis quelques temps, à utiliser de plus en plus souvent toutes sortes de superlatifs et de formules péremptoires lorsque je parle des maisons françaises faisant, selon PG, référence dans leur domaine, en particulier lorsque je m'adresse à un public étranger.
Il est vrai que je n'y suis pas allé de main morte récemment en suggérant qu'Aubercy, Berluti et Corthay proposaient les plus beaux mocassins au monde, en expliquant pourquoi les ateliers de John Lobb rue de Mogador et de Cifonelli rue Marbeuf n'avaient, à mon sens, pas d'équivalent sur la planète et en affirmant que la petite maison Simonnot Godard fabriquait les plus beaux mouchoirs sur la terre. Maintenant que j'y pense, j'aurais d'ailleurs pu ajouter que des maisons comme Charvet Place Vendôme et Bonnet près du Palais Royal à Paris fabriquaient elles aussi respectivement, les plus belles chemises et les plus belles lunettes sur mesures au monde...
Serais-je donc sujet à une crise - tardive mais sévère - de patriotisme stylistique ? Ou serait-ce un effet secondaire classique chez le sujet de cinquante ans du matraquage actuel des média autour de nos savoir-faire ancestraux et de nos artisans géniaux ? Ou, pire, l'expression directe d'un chauvinisme basique et aveugle ?
Alors que toutes les études montrent que les français, à prix et qualité égaux (ce qui est tout le problème, et pas que pour le prix...) devenaient en effet de plus en plus enclins à préférer un produit fabriqué ou au moins conçu près de chez nous, aurais-je été moi aussi "happé" à mon insu par la vague du "Made in France" et sa promotion aveugle ?
Non.
La raison de mon éloquence nouvelle au sujet de certains de nos fleurons nationaux est plus prosaïque et, je l'espère, plus sérieuse que ce déferlement de communication, de bonnes intentions et de bons sentiments : je suis en effet en train de terminer la rédaction de mon livre "The Parisian Gentleman" (Thames and Hudson) et j'ai donc récemment énormément travaillé sur le sujet du style parisien masculin et plus précisément sur le sujet de son rayonnement mondial.
Ce travail en profondeur sur une vingtaine de maisons françaises dédiées au style masculin classique (et choisies en toute subjectivité) m'a en effet apporté un nouvel éclairage et une nouvelle compréhension sur le rôle joué par notre pays dans le grand débat sartorial et sur l'influence souvent mésestimée des acteurs français du domaine.
Cele me donne donc une merveilleuse occasion de partager avec vous un tout premier (petit) extrait de ce "gros" livre (256 pages, 350 photos originales, format 34,5 X 27,5cm) à paraître l'année prochaine. Partager un premier petit extrait de "The Parisian Gentleman" avec vous représente d'ailleurs un petit événement pour moi, comme vous pouvez vous en douter.
Extrait du Chapitre Deux "Introduction" :
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Il est grand temps de dépasser aujourd’hui le raccourci à la fois intellectuel, historique et stylistique qui voudrait que la France du style masculin n'ai rien fait d'autre que d'importer l’art du beau soulier du Northamptonshire et celui du beau vêtement de la baie de Naples ou des faubourgs de Rome.
Comme vous allez le découvrir dans ce livre, cette croyance est non seulement très exagérée, mais elle s’avère même souvent historiquement erronée.
Vous découvrirez ainsi qu’alors que la grande majorité des hommes pensent que ce sont les chemisiers Britanniques de Jermyn Street qui sont les fondateurs de la tradition chemisière masculine de luxe, c’est en fait une institution Parisienne, la maison Charvet, qui a littéralement inventé la chemise moderne à col retourné !
Le premier « Royal Warrant » reçu en 1869 par Edouard Charvet des mains du Prince de Galles et futur monarque Edouard VII portait d’ailleurs la mention « Chemisier in Paris» » (en français dans le texte), car cette activité spécialisée n’existait pas encore à l’époque au Royaume Uni et donc le mot Anglais "shirt-maker" n’était pas encore utilisé pour décrire ce type de commerce.
Vous découvrirez également comment dans les années 50, alors que Vincenzo Attolini, tailleur vedette chez le grand Gennaro Rubinacci à Naples était en train de mettre au point la fameuse épaule napolitaine qui révolutionnera le costume masculin contemporain, à Paris les géniaux Arturo Cifonelli d’un côté et Joseph Camps de l’autre, travaillaient à ce qui allait devenir « l’épaule cigarette » pour l’un et le « cran parisien » pour l’autre ; deux symboles forts de l’école parisienne de haute couture masculine.
Vous découvrirez aussi que lorsque la grande maison Hermès fait entrer dans son giron en 1976 la « pépite » de l’art bottier Britannique John Lobb, elle fait l’acquisition d’un atelier d’exception installé au 24 Faubourg St Honoré à Paris dans lequel ce sont bien des maîtres bottiers parisiens qui officient depuis… 1903.
Extrait de "The Parisian Gentleman". Hugo Jacomet © Thames and Hudson London
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La France, littéralement coincée entre deux poids lourds du secteur, l'Angleterre au nord et l'Italie au sud, a donc elle aussi de sérieux arguments à faire valoir dans le domaine du style masculin classique avec des produits d'exception que le monde entier nous envie (et nous achète) comme, par exemple, les mouchoirs Simonnot-Godard, dont je ne suis désormais plus tout à fait le seul à affirmer haut et fort qu'il s'agit des plus beaux mouchoirs au monde (voir article sur le New York Times : The Armoury New York - Simonnot Godard.)
Cheers et Cocorico,
HUGO
Toutes les photos de cet article © Andy Julia pour Parisian Gentleman et Thames & Hudson sauf la dernière © Lyle Roblin pour Parisian Gentleman.