Gentlemen,
nous continuons ce jour notre ballade estivale au coeur des mots dont les hommes usent (quand ils n'en abusent pas) pour tenter de transférer dans le champ sémantique les impressions et émotions dont ils font l'expérience dans le champ visuel à propos de notre sujet de prédilection.
A cet égard, nous profitons de cette série d'articles pour rendre grâce au travail magnifique du linguiste Alain Rey à l'occasion de la parution l'année dernière du livre "Au coeur du luxe, les mots", édité sous l'impulsion du Comité Colbert par les éditions Dar an-Nahar.
Dans cet ouvrage, l'immense lexicographe, nous distille quelques pépites d'un extrême raffinement, dont voici quelques morceaux choisis... avec soin comme il se doit :
Elégance [...] L’histoire de l’élégance, des élégants – des Incroyables aux Muscadins, aux Lions, aux Dandys... – et, bien sûr, des élégantes, témoigne du besoin de recherche, de distinction, d’exception qu’apporte aujourd’hui comme hier le luxe vestimentaire. L’élégance est plus largement l’une des dimensions du plaisir de raffinement, ce qui nous rappelle que tout luxe est un choix.
Emotion [...] Parmi tous les mots-clés du luxe, qu’on essaie d’évoquer ici, émotion est au cœur de l’unique, de l’individu distinct de tout autre, avec ses sentiments particuliers que le luxe tourne vers le plaisir de vivre, à la fois dans l’égotisme et dans la convivialité – encore un paradoxe. Une intention luxueuse qui ne produirait pas de réaction émotive et qui ne traduirait pas une émotion sincère, ne serait pas du luxe véritable.
Excellence [...] Mais comme tous les mots de ce genre, excellence tend à s’user. Un excellent homme ne sera plus qu’un « brave type » et un excellent repas, une restauration correcte. On ira même jusqu’à dire « excellentissime » comme « sublimissime », montrant par là que l’excellence et le sublime se sont banalisés. Réagissant contre l’usure des mots, le luxe tend à restaurer l’excellence dans son prestige : toujours plus haut, nous dit son étymologie.
Exception et exclusivité [...] Les deux notions, exception et exclusivité, ont beau être très différentes, elles sont faites pour s’articuler. Le luxe est le lieu privilégié de leur rencontre.[...]
Paradoxes [...] Porter en soi l’amour du luxe, c’est réaliser les contrastes de l’esprit et de l’âme, résolus dans ces valeurs jamais contredites : qualité, beauté, plaisir. L’unité de la notion de luxe enclot une grande diversité. [...]
Raffinement [...] Le raffinement s’applique aux dimensions diverses du luxe : qualité, élégance, plaisir et même savoir-faire. Il s’oppose absolument à la grossièreté, qu’on ne recherche jamais. Fin produit raffiner, gros n’a pas de dérive comparable : ce qui veut dire que la grossièreté est donnée, la finesse sans cesse à chercher et à trouver. Mission du luxe.
Rareté [...] Aujourd’hui, en associant la rareté au luxe, nous posons une exigence et révélons un paradoxe, car le vrai luxe peut et doit être pour tous ; mais il faut qu’il demeure rare pour chacun. [...]
Merci Monsieur Rey,
Cheers, HUGO
