Adriano Dirnelli a participé, avec l’équipe de Parisian Gentleman, à la 86ème édition du Pitti Uomo à Florence. Il répond à 10 questions brûlantes concernant le Pitti Uomo.
Oui, mille fois oui.
J’avais, à titre personnel, de grandes attentes concernant le Pitti et j’avais peur d’être un peu déçu par la réalité de l’événement. Mais même mes attentes les plus folles ont été dépassées car se rendre au Pitti Uomo à Florence, c’est comme faire un pèlerinage sur la Terre Sainte de l’élégance des hommes.
En fait ce fut comme si j’étais physiquement entré dans les images Tumblr de mon Iphone (et les images par « The Sartorialist ») et que je m’étais retrouvé en chair et en os dans un monde magique qui, je le pensais, n’existait que dans mes rêves. Sauf qu’au Pitti le rêve se transforme en réalité.
Partout au Pitti vous rencontrez les types super élégants que vous avez « liké » (désolé pour le barbarisme mais il n’y a pas d’autres mots) mille fois sur l’internet. Et le plus étrange c’est que vous avez immédiatement l’impression que vous connaissez ces gars personnellement et que vous êtes potes depuis des lustres.
Après avoir vu tellement de photos et lu tellement d’interviews de ces « gens du Pitti », les rencontrer dans la vraie vie semble vraiment naturel. C’est comme si vous vous trouviez au beau milieu d’une scène de votre film favori et que vous pouviez interagir avec les personnages du film. C’est l’impression que vous donne le Pitti Uomo lorsque vous vous y rendez pour la première fois.
Non. Ne confondez pas le Pitti Uomo avec les « fashion weeks » de Paris, de Londres, New York ou Milan.
Ici pas de mannequins vedettes ni de stylistes superstars, mais une sélection des meilleurs artisans et des meilleures maisons du monde de l’élégance masculine. Le Pitti est donc avant tout un salon professionnel sauf qu’il ne ressemble à aucun autre.
Sur le site vous pouvez voir des acheteurs et des vendeurs discuter des merveilleux costumes et des souliers faits main qui sont présentés partout. Les acheteurs des plus grands points de vente de la planète sont en effet ici pour faire leurs "courses" et passer leurs commandes pour la prochaine saison.
Le site est gigantesque et il est virtuellement impossible de tout voir, même si vous y restez toute la semaine. Lors de votre visite, vous devez choisir entre deux mondes très distincts : celui du « streetwear » et celui de l’élégance classique. En effet la population du Pitti est clairement séparée en deux catégories : d’un côté les Hipsters barbus et tatoués, et de l’autre les mordus de tailoring habillés en costumes croisés.
Un contraste fascinant et mémorable de personnalités très différentes mais se retrouvant, deux fois par an, sous le même « toit » ce qui est très rare.
Tout le monde.
Je ne vais d’ailleurs pas m’aventurer à lister ici tous les grands noms du monde de l’élégance masculine que vous ne manquerez pas de rencontrer. Ils sont en effet tous là, à quelques rares exceptions près.
Si vous êtes des lecteurs réguliers de PG et des autres blogs et forums consacrés au style masculin, imaginez donc que vous butiez physiquement dans tous ceux que vous lisez et dont vous admirez le style tout au long de l’année. On les appelle génériquement les « Pitti People » : les Rubinacci, Ieluzzi, Kamoshita, Ricci, Barbera, Luparelli, Elkann, Marzotto etc. Tous les personnages de vos photos préférées issues de « The Sartorialist » sont probablement présents.
D’ailleurs, même Scott Schuman est présent (voir photo ci-dessous) ce qui vous permet d’assister à la réalisation des prochaines photos qui vont inonder les Tumblr du monde entier.
Pas du tout et c’est l’une des meilleures surprises !
L’atmosphère est en effet amicale et cela se sent : tout le monde semble ravi de participer à la fête.
Il s’agit donc d’une ambiance très différente de celle d’un évenement de mode. J’ai d’ailleurs participé à une présentation de collection en marge du salon, et j’ai été stupéfait de me rendre compte à quel point le Pitti était authentique par rapport aux présentations de mode dans lesquels les invités sont très « coincés ».
Au Pitti, il n’est question, à l’inverse, que de belles personnes fabriquant de beaux produits et pas de mode artificielle. Cette affirmation pourrait vous sembler un peu mièvre, mais je peux vous assurer que sur le salon vous pouvez ressentir cet amour des belles choses ainsi que la passion et la bonne volonté de tous les participants avec lesquels vous aveez le plaisir de discuter. Même les vendeurs des marques de prêt-à-porter horriblement sur-tarifées ont l’air d’être très sympathiques au Pitti Uomo.
D’ailleurs, après avoir discuté avec le patron du « Made to Measure » de Kiton au Gilli (LE café où tout le monde se retrouve le soir), je me suis même surpris à me dire que tout compte fait (c’est le cas de le dire), les costumes Kiton valaient peut-être finalement les tarifs stratosphériques pratiqués et que je me devais de re-considérer la chose…
Dans un monde où l’internet peut avoir pour effet de nous enfermer dans certaines « vérités » toutes faites en matière de style masculin, le Pitti agit comme un antidote qui nous fait nous ré-ouvrir à des idées nouvelles avec chaque tailleur ou chaque designer rencontré sur le salon.
Oui. Vous ne verrez jamais de votre vie une telle concentration d’hommes bien habillés.
Bien sûr, les Italiens sortent du lot, car, après tout, ils sont les régionaux de l’étape. Mais contrairement aux croyances populaires, ils ne sont pas les mieux habillés du Pitti.
Le contingent japonais présent sur place remporte, et de loin, la palme de l’élégance. Vous devez participer au Pitti pour comprendre ce que je veux dire par là, car l'élegance à la Japonaise est très difficile à rendre en photo.
Ensuite viennent les scandinaves qui tirent très bien leurs épingles du jeu, alors que nous, les français, les américains et les britanniques, avons encore pas mal de progrès à faire en la matière.
Ceci étant dit, je dois ajouter que « faire le paon » et « bien se vêtir » sont deux notions opposées au Pitti. Les paons qui font la roue sont très drôles à regarder, mais cela devient vite assez barbant car ils posent littéralement pendant des heures et cherchent uniquement à appâter les photographes. Ici, les vrais hommes bien habillés ne sont pas forcément les plus flamboyants, mais ceux qui en toute discretion vous font une telle impression qu'il vous est impossible de ne pas vous retourner sur eux à leur passage.
Et la plupart du temps, il s'agit d’un japonais.
Oui. Enormément et en fait beaucoup plus que vous pourriez l’imaginer.
Cette fausse impression (qu’il n’y a que peu de femmes sur le site) est en fait véhiculée par les images des photographes qui se concentrent quasi exclusivement sur les hommes. Mais il y a énormément de (très) jolies femmes au Pitti.
Ce qui est intéressant de noter, c’est que les jolies femmes au Pitti ne sont pas habillées comme des mannequins de haute couture mais plutôt comme dans la vie (presque) quotidienne…. Au Pitti, en effet, il n’est pas question de mode, mais de goût impeccable, ce qui est très différent.
1) Donc, tout d’abord et pour l’amour du ciel, laissez un peu tomber votre blazer bleu et votre paire de Chinos blancs. J’ai même eu envie de brûler tous les blazers bleus que j’ai vus, surtout les modèles destructurés en coton avec des poches plaquées, ceux là même qui ont inondé l’internet depuis cinq ans. Trop c’est trop !
2) Deuxièmement, portez des mocassins sans chaussettes. Bien sûr, les doubles boucles sont encore très populaires (et très portés) mais si vous êtes sensibles à l’air du temps, alors sachez que les mocassins à pampilles sans chaussettes sont très en vogue. Mais si vous choisissez d’en porter au Pitti, prenez bien soin de les faire au moins quatre jours avant de venir. Vos pieds n’y résisteront pas sinon…
3) Croisez votre costume ! Vous ne verrez jamais autant de vestes croisées au même endroit qu'au Pitti. Donc profitez de l'occasion pour porter le costume croisé que vous ne sortez qu'assez peu à la maison.
4) Le Solaro show : vous ne verrez également jamais autant de Solaro au même endroit qu'au Pitti. Cela donne vraiment envie d’en acheter un !
5) Des couleurs pastels complètement dingues ! J’ai également remarqué énormément de vestes vert citron, le type de vestes que vous ne penseriez jamais porter à la maison. Mais ici, c’est une bonne option si vous voulez vous faire remarquer.
6) Des costumes avec manches montés en chemise (Spalla Camicia) : Au Pitti c’est comme si aucun autre type d’épaule n’avait jamais existé. D’ailleurs si vous voulez vous faire remarquer au Pitti rien de plus simple : laisser vos épaules tombantes à la maison et emportez vos costumes britanniques ou parisiens avec les épaules roulées. Personne n’a en effet vu de telles épaules au Pitti depuis 10 ans et tout le monde les regardera avec insistance, comme s’il s’agissait d’une innovation récente !
Quoi que vous fassiez, ne soyez jamais vu en train de prendre des photos vous-même. Car il y a deux types de personnes au Pitti : ceux qui photographient et ceux qui se font photographier.
Vous ne pouvez pas appartenir aux deux groupes en même temps car si vous êtes vus en train de prendre une photo, vous serez très vite ignoré par les armées de photographes. Vous devez en revanche apprendre à vous promener nonchalamment sur le site comme si ce dernier vous appartenait et surtout serrer la main des quelques vedettes locales pour attirer les photographes qui ne se feront pas prier pour vous prendre en photo.
Et surtout, feignez d’ignorer les photographes, c’est la clé ici. Les grands habitués comme Lino Ienuzzi sont passés maîtres en la matière : ils font semblant de téléphoner toute la journée afin d’être sûrs d’être photographiés…
Tout ceci est du théâtre en réalité, mais si vous connaissez les règles du jeu, alors vous pourrez prendre du bon temps et bien rigoler !
Non, et c’est même un cauchemar pour tout sartorialiste passionné : les plus beaux produits de la terre sont en effet exposés, mais aucun n’est à vendre, sauf à passer une commande de 100 pièces minimum car le Pitti reste avant tout un salon professionnel.
D’ailleurs les prix affichés (les prix de gros donc), pourraient bien vous donner des maux de tête, surtout lorsqu’il s’agit de merveilleux souliers faits main, affichés ici à 250 euros et revendus dans le commerce au delà de 1200 euros… A ce prix, vous avez envie d’acheter tout le stand !
Quelle question...
Adriano Dirnelli