Bonjour Adriano,
j’ai remarqué que beaucoup d’hommes coordonnaient leur boutons de manchettes avec les boutons en métal de leurs blazers croisés.
Mais qu’en est-il des autres éléments en metal de nos tenues, comme les cadrans des montres, les boucles des ceintures ou même les boucles métalliques sur les souliers ? Faut-il aussi songer à les coordonner ?
Merci.
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Cher Monsieur,
votre question me donne l’occasion de rappeler ici quelques principes fondamentaux de l’élégance masculine auxquels je suis, personnellement, très attaché :
1) Lorsqu’un élément d’un ensemble attire trop l’attention, alors il n’est plus élégant.
2) Vouloir coordonner à tout prix tous les accessoires d’une tenue créé un sentiment artificiel, et donc n’est absolument pas élégant (c’est d’ailleurs la raison pour laquelle vous pouvez lire presque partout qu’il est fortement déconseillé de coordonner exactement votre cravate et votre pochette).
3) La Sprezzatura, c’est faire en sorte d’apparaître naturel (et surtout pas artificiel) sans avoir l’air d’avoir fait d’efforts pour cela. Cela demande même parfois d’être à la limite de l’acceptable en termes de coordination dans un esprit quasi baroque. Il s’agit de la recherche d’une certaine forme de grâce qui, en réalité, demande beaucoup plus d’efforts que ceux consistant « simplement » à cordonner des tissus entre eux, ce que n’importe qui peut faire facilement.
4) Je vous rappelle d’ailleurs le célèbre quatrain de Beau Brummell à ce sujet :
Mon foulard, bien sûr, requiert toute mon attention,
Car c’est à cela que nous, les représentants de l’élégance, nous reconnaissons,
Et cela me coûte, chaque matin, quelques heures d’efforts,
Pour qu’il ait l’air d’avoir été noué à la va-vite.
Posez-vous toujours les trois questions suivantes : comment faire pour ne pas coordonner de façon trop évidente et trop « mécanique » les éléments de ma tenue ? Comment créer de l’harmonie et de la complémentarité ? Et comment trouver un bon équilibre entre les deux ?
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je pense que je ne me lasserai jamais de la « bataille » que je livre chaque matin pour tenter de parfaire mon style. Cela me fait penser à l’ikebana, l’art japonais consistant à marier les fleurs entre elles et qui demande de maîtriser de nombreux détails subtils visant à créer une harmonie, ou, pour le dire autrement, à donner à la complexité une apparence de simplicité.
Chaque matin, je me lance donc un nouveau défi, j’essaye de franchir une nouvelle frontière et je tente de trouver de nouvelles façons subtiles d’exprimer à la fois de la complexité et de la diversité.
Parfois vous savez que vous êtes allés trop loin et qu’il est temps de réfréner vos élans. D’autres fois, à l’inverse, vous savez que vous avez été trop timides et ennuyeux.
Jamais je n’aurais pensé que m’habiller chaque matin eut été si intéressant et si plein de décisions capitales (sur l’instant) à prendre. Mais une fois que vous avez appris les quelques règles fondamentales dans le domaine et que vous savez comment les dépasser avec grâce, alors s’habiller pour être élégant est l’un des jeux les plus passionnants qui soient.
Dirnelli