Nous avons le plaisir de publier ce jour un texte d'Henri Varech, jeune écrivain dont vous pouvez découvrir les écrits sur son blog intitulé "Les Carnets d'Henri Varech" avec comme sous-titre :"Chroniques effrontées d'un monde effondré".
par Henri Varech
Alors que je déambulais dans Lutèce flétrie, frayant mon chemin à travers les allées en travaux, je fus soudainement estourbi. Que voyais-je arriver, comme un vol de pourceaux hors des latrines natales ? Un groupe d’adolescents débraillés, dont la démarche dégingandée trahissait leur origine de classe. Pauvres ? Que nenni ! Des Nouveaux Riches, bien loin de la paléo-bourgeoisie des Messieurs Prudhomme bedonnant !
Quoique fort désagréable, cette entrevue fit poindre en moi le besoin d’éclaircir mes idées. Comment remédier à une telle désertion du style ?
Lorsque nous écoutons les lapalissades contemporaines, une chose reste frappante : la tenue constituerait une façade dont la partie cachée recèlerait une laideur morale. Qui n’a pas déjà entendu ce genre de fadaises ? « L’essentiel est invisible pour les yeux », le plus important, c’est l’intérieur..
Cette erreur funeste tire sa fons et origo à la fois d’un pseudo-platonisme et d’un christianisme mal compris. Celui-ci postulerait que le corps (soma), tombeau (sema) de l’âme, serait à négliger. Celui-là condamnerait sans vergogne l’apparence, sépulcre blanchi des pharisiens (Matthieu ; 23,27). Ces dualismes éculés, dichotomies factices ressassées ad nauseam par tous les orchidoclastes, se doivent d’être réfutés.
À rebours de ceux-ci, les Hellènes établissaient une équivalence heureuse entre d’une part l’éthique et d’autre part l’esthétique. Kalos Kai Agathos. Beau et Bon. Bien sûr, il convient ici de distinguer ce dernier de la gentillesse dont nous abreuvent les discours lénifiants. Pour un Grec, Bon correspond à Noble.
Prenons les synonymes de noble : racé, distingué, altissime.. En somme, un homme de qualité. Or, comment défendre ce terme, au moment où le règne de la quantité, au sens où l’entend Guénon, noie toute excellence dans les eaux glacées du calcul égoïste ?
Nous devons le faire, en nous remettant, stricto sensu, « en forme ». Loin du développement personnel ou de toute idéologie du bonheur, se plier à la forme revient à refuser l’ochlocratie amorphe. Recourir à elle nous fait retrouver l’essence, la détermination. Alors, libérés des idolâtres de la substance, du devenir-ectoplasme des hyliques en jogging, nous dessinerons un renouveau. Dessin et dessein d’une aube aristocratique.
Désormais, ne séparons plus le dedans du dehors, l’envers de l’endroit. Un phénomène, jusqu’au vêtement, reste une manifestation pleine et entière de l’être. Mise en lumière, exposition d’un foyer numineux, la forme s’apparente au fond remonté à la surface écrivait Hugo dans ses Proses philosophiques.
Enfin, récusons le lieu commun style=richesse. N'importe lequel d'entre nous peut reconnaître sur les anciennes photographies de familles ouvrières de magnifiques costumes, souvent plus élégants que ceux portés par nos élites mercantiles.
Ainsi, si le monde moderne avilit (Péguy), s’il néglige tout constamment, opposons-lui le style. Face aux sans-culottes de l’accoutrement, gardons un port de tête altier, des épaules dégagées, un torse bombé, une chemise avec cravate, et un pantalon en flanelle. Et surtout, gardons le comportement qui sied à cette vêture : maintenons ce calme olympien, celui du Lacédémonien dont parlait Baudelaire, car « l’éthique est l’esthétique du comportement » (Gómez Dávila).
Alors, à défaut « d’avoir la classe » aux yeux de nos concitoyens, nous ferons mieux : nous l’incarnerons.
H. Varech