Cet article a été publié originellement sur Atlantico.fr le 31 Octobre 2014
Le Vendredi 16 Octobre, pour les besoins de Parisian Gentleman et d’Atlantico Chic, je me suis rendu à Beaupréau, une petite ville située entre Cholet et Angers en pays dit « des Mauges » afin de visiter la nouvelle manufacture de la maison Corthay et, accessoirement, d’assister à l’inauguration de la nouvelle unité de production de cette entreprise que je considère, à titre personnel, comme l’une des plus belles maisons de souliers masculins au monde et comme l’un des futurs fleurons du « luxe » à la française.
Dire que je ne suis pas un grand amateur de ce genre d’inauguration est un doux euphémisme tant les discours politiques convenus à la gloire du savoir-faire français et les panégyriques superfétatoires vantant les talents régionaux ne me font généralement ni chaud ni froid et ont même tendance à m’énerver au plus haut point…
Pourtant cette fois-ci, je dois avouer avoir été à la fois ému et étonné par cette inauguration qui, même si elle n’a pas échappée aux habituels discours institutionnels (trop) longs et (très) convenus, m’a ouvert les yeux sur le fait qu’entreprendre dans notre beau pays était non seulement encore possible, mais en outre qu’il existait dans notre pays une véritable mobilisation générale en faveur de l’emploi et de la sauvegarde des métiers à forte valeur ajoutée technique surtout dans des régions ayant souffert, dans leur chair, de la délocalisation de leur savoir-faire historiques vers des contrées lointaines.
Emu je le fus, lorsque Thierry, coupeur chez Corthay (la personne, importante dans une petite manufacture comme celle-ci, dont le métier consiste à choisir, à sélectionner et à couper les pièces de cuir pour fabriquer les souliers) m’a expliqué que l’installation de la manufacture Corthay dans sa région relevait, pour lui, du véritable miracle, lui qui avait du, depuis des années, renoncer à son métier d’origine (de professionnel de la chaussure) et se résoudre à se « reconvertir » à plus de 50 ans dans un métier de commercial dans la grande distribution afin de subvenir aux besoins de sa famille.
Interpellé, je le fus encore lorsque Xavier de Royère, le patron de Corthay, m’expliqua que lorsqu’il avait décidé d’installer la nouvelle manufacture en pays des Mauges (autrefois l’un des berceaux de l’industrie de la chaussure française), il avait reçu plusieurs centaines de candidatures spontanées, dont certaines pour le moins étonnantes comme celle d’un professeur d’Histoire-Géographie souhaitant se tourner vers un métier artisanal ou encore celle de Lauriane, une « bikeuse » chevronnée dont la passion était de démonter et de remonter des moteurs de grosses motos le week-end : un savoir-faire improbable, mais ô combien précieux dans une activité utilisant des machines mécaniques (des machines dites « Good-Year » pour les connaisseurs) d’une complexité et d’une fragilité extrêmes.
Surpris, je le fus aussi lorsque Stéphane Servantie, chargé de mission de l’entreprise Michelin, l’un des gros employeurs de la région de Cholet, m’expliqua que son entreprise avait également participé à l’installation de Corthay dans son bassin d’emploi avec un prêt conséquent consenti à un taux très préférentiel avec un différé de remboursement d’une année. Une manière intelligente et (très) utile, pour une grande entreprise comme Michelin, de participer activement à la vitalité d’une région en favorisant l’installation d’entreprises prometteuses et la création d’emplois durables.
Aujourd’hui ce sont 27 personnes (dont 25 emplois créés en une année dans cette petite ville de province) qui travaillent à la fabrication des chaussures Corthay qui sont aujourd’hui distribuées dans des points de vente luxueux dans le monde entier, de Paris à Londres, de Hong Kong à Dubai et de New York à Singapour.
Certes la belle histoire de la maison Corthay en pays des Mauges, à laquelle tous les observateurs du monde de la chaussure masculine (très) haut de gamme prédit un bel avenir, reste sans doute une exception dans une France traversant une période difficile et dans laquelle la création d’emplois ressemble encore, pour beaucoup d’entrepreneurs, à un parcours du combattant.
Pourtant cette aventure entrepreneuriale a au moins le mérite de montrer que la collaboration « public-privé » si souvent exhibée comme une spécificité française et comme l’une des solutions à la grave crise économique que traverse notre pays, peut vraiment fonctionner et redonner à nos régions des raisons de croire à un futur moins obscur notamment dans certaines domaines dans lesquels la France a encore son mot à dire et son expérience incomparable à faire valoir.
Un beau projet, une belle manufacture (avec un contrôle qualité enfin à la hauteur de la marque), un bel exemple de collaboration « public-privé » et, bien sûr, de très beaux souliers 100% « Made in France ».
Crédits :
La maison Corthay a bénéficié, pour son installation, du concours principal :
– du Comité d’Expansion du Maine et Loire
– du Conseil Régional des Pays de Loire
– de le Communauté de Communes Centre Mauges
– de Michelin Développement