Dans cette quatrième partie de la "Cave du Gentleman", voici le compte-rendu des dégustations d'Anthony Hubault de Septembre 2016. Au programme de cette livraison : des champagnes et des vins d'auteur particulièrement abordables pour se constituer, petit à petit, une cave de grande qualité sans se ruiner...
60% récolte 2010, 40% récolte 2009. 85% Pinot Noir, 10% Chardonnay et 5 % Pinot Meunier.
Mon addiction pour les vins de Champagne est un coming out que j’ai assumé avec la même ferveur et le même engagement que mon addiction à l'élégance vestimentaire.
En marge des grandes maisons connues dans le monde entier, figurent des vignerons quasiment inconnus mais dont les tarifs sont « indécemment accessibles ». Entendez par là des artisans pointus que mes dégustations à l’aveugle placent souvent au-dessus des maisons ayant fait la fortune de leurs propriétaires.
L’intégralité des cuvées de Rémi Leroy figurent dans ma boutique depuis son ouverture. En région Auboise, Rémi exploite à Meurville 8 ha sur des sols argilo-calcaires de la période géologique du Malm (Jurassique supérieur, 170 millions d’années avant notre ère). Ingénieur agronome à l’école de Bordeaux, Rémi fait de ses Champagnes des pièces de grande précision.
Son Brut est élaboré sur la base des vendanges 2010 à 60% et 2009 à 40%, deux millésimes aux ADN climatologiques opposés. En effet, si la nature s'est montrée clémente en 2009, favorisant une excellente condition sanitaire des raisins, le climat de 2010 a, au contraire, poussé la vigne dans ses derniers retranchements et a généré un tri sévère au moment des vendanges.
Les substances colorantes illuminent un Champagne riche à la teinte pelure d’oignons.Le nez est puissant et complexe, sur un fond boisé accompagné de fruits secs et de fruits à noyaux. A une température comprise entre 10° et 12° le vin se détend et s’élargit en bouche. Les 6 grammes de dosage lui apportent un gras que vient renforcer un élevage sur lies fines avec bâtonnage. Sa lecture fait la synthèse entre une forte tension minérale et une substance généreusement étirée par une bulle discrète mais présente.
Les productions de Fabrice Pouillon font partie de ces "secrets de connaisseurs" que l’on se communique entre deux confidences. Dans l’intimité familiale dominicale, je décidais d’ouvrir une cuvée SOLERA.
Emprunté aux techniques d’élevage en Andalousie des vins de Jerez, le principe de production de ce vin est simple : les vins vieux viennent éduquer les vins jeunes. Chaque année 30 % de la cuvée est soutirée pour la deuxième fermentation. Ainsi, les vins de réserve depuis 1997 sont assemblés successivement jusqu’au millésime 2012.
L’oxydation ménagée apportée à ces élevages (longtemps réalisés en cuve émail puis depuis 3 ans en cuve bois) capte le regard avec une robe à la patine jaune paille scintillante. Discrète, la bulle affiche, lorsqu’elle éclate, des prémices aromatiques complexes mais sans exubérance aucune.
La trajectoire du message olfactif demande une attention soutenue car ce Champagne est loin de se livrer facilement. On ne peut accéder à cette cuvée que si l’on s'en donne le temps. L’éveil de Solera passera donc par un carafage précautionneux et par l'utilisation de verres adaptés (ni coupe ni flûte svp).
Au terme de 20 à 30 minutes de "respiration", le Champagne charme déjà par son langage précis et charnel. Vin de contraste, j’aime à identifier le moment où il « bascule », le moment où la bouche renoue avec le fruit, la chair. Le pain toasté et la pomme à tatin sont accompagnés d’épices douces, livrant une finale droite et persistante.
Cuvée réalisée par Karine et Richard Fouquet, au cœur de la Côte des Blancs, ce Grand Cru de Chardonnay repose 47 mois en cave.Il s'agit d'un assemblage de parcelles Cramant (Les Bergeries), Chouilly (Le Mont Aigu et Les Caurées) et Oiry (Les Briquettes).
Ce beau Champagne séduit par son équilibre reposant sur un dosage faible et sur la maturité d’un millésime au style affirmé par la plénitude d’une vendange réalisée en 2010.
La qualité des conditions climatiques (printemps, été secs et chauds) a su faire oublier le danger que laissait présager, à l’approche des vendanges, le Botytris. Le sucre et l’acidité retranscrivent avec bonheur le support minéral idéal que réclame les Chardonnay de la Côte des BlancsLes 12% de vins de réserve de la vendange 2009 s’immiscent dans un assemblage raffiné, aux nuances d’agrumes et de craie. Le palais se montre souple, caressé par une finale longue et fraiche.
Les Champagnes rosés sont communément perçus comme des vins féminins et sucrés... S’ils jouissent d’un regain de faveur grâce à une communication bien rodée, il convient de rappeler que certains vignerons sont également derrière le retour en grâce de ce vin complexe.
La macération pelliculaire requiert en effet vigilance et technique : du rosé d’infusion (dixit Anselme Selosse), à la macération prolongée (jusqu’à 48 heures voir d’avantage). Je déguste entre amis la cuvée Elixir de Damien Coutelas, un Champagne à la robe fascinante, rose brique.Au cœur de la vallée de la Marne, la maison est installée à Villiers sous Chatillon, à 15 kms au Nord-Ouest d’Epernay et à 35 kms de Reims. Ce village se définit par son sol argilo-calcaire aux coteaux exposés plein sud. C'est ici que Damien vinifie son rosé de saignée sans fermentation malolactique.
Des conditions idéales profitent à l’expression monocépage (Pinot Meunier) de ce vin à la bulle virevoltante. Les arômes sont puissants et extrêmement fougueux. Ils délivrent des notes de fruits rouges écrasés enveloppés par un boisé toasté complexe. Sa véritable personnalité apparait en bouche lorsque la gourmandise des premiers instants cède la place à une structure riche en milieu de bouche et acidulée en finale.
Angélique et Damien Coutelas s’inscrivent dans cette génération de vignerons de Champagne que j’aime à promouvoir tant leur attachement à la tradition reste une condition sine qua non pour capter l’essence d’une relation mettant aux prises les aléas du végétal et les convictions de l’artisan.
L’installation d’un vigneron et son évolution devraient être au cœur des centres d’intérêt de la sommellerie. Ainsi, Isabelle et Denis Pommier méritent grandement les fruits que leur procure leur travail très remarqué par mon ami Mathieu D’Hainaut, agent de vignerons, un homme d’une profonde intégrité et un dégustateur éduqué et précis.
Chablis étant une région riche de nombreux domaines, la découverte d’un nouveau talent est toujours un petit événement.
Les vignes d’Isabelle et Denis Pommier sont situées à Poinchy au Nord-Ouest de Chablis, et occupent une surface de 5 ha. Le terroir, implanté sur la rive droite du Serein, est un exemple de résilience.
Je m'explique le caractère supérieur de ce Petit Chablis par sa complicité physique avec le Grand Cru Vaudésir, niché sur un amphithéâtre qui surplombe une vallée sèche, forçant la vigne à se frayer un passage dans les anfractuosités d’un sol où affleure la roche mère. Sous forme de grosses concrétions d’huîtres bleues, le sous-sol d’argilo-calcaire du Kimméridgien restitue la fine expression iodée du Chardonnay minéral et frais. 6 mois d’élevage sur lie valorisent une trame aromatique tendue par une vendange modèle.
Jaune or scintillante, la robe est à l’image de ce vin qui tient toutes ses promesses. Elégant et marqué par une douceur tactile plaisante, ce petit Chablis est intense et ses arômes floraux sont généreux. La finale est fruitée et rafraichissante pour ce petit joyau de l’Auxerrois.
Ma complice de longue date Gisèle Garetto a fait de sa société de négoce "L’enclave de la Vinothèque" à Valréas une partenaire hautement recommandable auprès de sommellerie française. Attentive à mes inclinations, elle sait les découvertes auxquelles je serai sensible.Un domaine des plus sérieux réparti sur plusieurs communes de la Côte de Beaune a ainsi naturellement trouvé sa place chez Hubault 1539.
Les vins de Christine et Pascal Prunier Bonheur sont juteux et salivants et le bourgogne générique Pinot Noir est toujours en vedette lors de mes dégustations de vins abordables. Avec une robe grenat des plus classiques, d’intensité moyenne aux reflets brillants, cette cuvée interpelle par sa silhouette aromatique, fine, suggérée par des macérations pré-fermentaires à froid (entre 18 et 22°) et une sélection à la vigne pour le moins rigoureuse. Dégusté à l’aveugle, ce vin affiche l’évidente vitalité d’un pinot noir « bien élevé », aux arômes de fruits rouges (cerise, framboise) orientés vers quelques subtilités florales (violette).
La bouche lui dispute cette expression délicate du fruit assis sur un tannin très souple. La finale est savoureuse avec une juste acidité.
Etienne Julien démontre à 25 ans un talent et une maturité de style très éloquents.5ème génération installée à Comblanchien, Etienne a hérité d’un terroir argilo-calcaire présent depuis le Dogger (aussi connue comme la période du Jurassique moyen qui s’étend de 175 à 160 millions d’années avant notre ère). Sa cote ne cesse donc de monter au fur et à mesure que défilent les millésimes.
Aloxe Corton, parfois identifié comme le petit frère de Corton, possède un 1er Cru superbe « les Valozières » (lieu-dit dont la dénomination est empruntée au vieux français : le Val au Osier) tutoyant de très près les grands crus (comme Corton Les Bressandes).
Ce secteur des Valozières, marqué par la présence significative d’oxyde de fer, est filtrant et caillouteux. La vigne souffre et donne naissance à des raisins plus concentrés. L’exposition Sud-Sud-Est à mi- coteau, offre une sève incroyable aux vins qu’Etienne livre aux termes de 2 ans d’élevage.
En 2012, La Côte de Beaune (comme beaucoup d’autres régions) n’est pas épargnée par les aléas climatiques : gel printanier, grêle, pluie, amplitudes thermiques anarchiques... De ce bras de fer a priori mal engagé, ressortent, angoissés mais heureux, des vignerons plus combatifs que jamais, et des vendanges considérablement réduites mais superbes !
De couleur rubis profond, la robe est insolente de jeunesse. Le nez est consistant et mûr, les fruits sont puissants (cerise à l’eau de vie, pot-pourri , pétales de rose).
Doté en bouche d’une structure ferme, s’articulant autour de tannins fondus et soyeux, 2012 est en pleine forme, de l’attaque à la finale, harmonieuse et persistante.
Pendant une pause bien méritée avec le responsable de ma boutique - et complice - Jean-Pierre Faure, nous nous accordons une dégustation dont je lui laisse la totale initiative.
Le verre de vin blanc qu'il me sert retient mon attention par sa robe or soutenu, teintée de nuances paille. J’oriente tout d’abord mon analyse olfactive vers un chenin plutôt mûr avant de découvrir au palais une matière plus ronde et particulièrement fruitée (fruits jaunes, épices douces).
Le toucher manquant de fermeté, je décide de le mette de côté une quinzaine de minutes. Après évolution, je revois plus précisément ma copie en identifiant deux des trois cépages d’assemblage (Marsanne et Roussane), le Chardonnay venant, quant à lui, assurément donner de l’allonge à ce vin très réussi né de la collaboration de Stéphanie Pinson (Mas Nico) et de Frédéric Porro (La Marèle).
Loin d’être un vin de soif , cette cuvée Barbaste ("gelée blanche" en Occitan) fait l’objet d’un pressurage des raisins (triés par cassettes) très rapproché de la vendange, elle-même réalisée très tôt le matin. La barrique accompagne harmonieusement le fruit, développant un style élégant, que rend possible la présence de Chardonnay.
Je connaissais le travail de ces deux vignerons (avec notamment La Marèle 2005 dont la qualité mériterait un succès beaucoup plus large) et je ne peux que déplorer aujourd'hui qu’une chose : que de tels efforts mis au service de vins si vivants soient freinés par le rigorisme paralysant de l’INAO déclassant en Vin de France trop de vins d’auteur. Un vin à tester absolument, ne serait-ce que pour créditer le soin extrême apporté à son élaboration.
Grand fan de l’équipe d’Angleterre de rugby, Jérôme Grieco me fait envoyer sa cuvée « les Anglaises » dans les 48 heures suivant notre conversation au téléphone…
Encore inconnu il y a 3 ans (jusqu’à un début de reconnaissance médiatique auprès de quelques dégustateurs de renom), Jérôme est aujourd’hui un vigneron qui compte dans l’appellation castelpapale. La connaissance et le sérieux apporté dès le travail à la vigne se conjuguent à une vison des plus respectueuses de la vinification.
"Début d’une histoire", sa cuvée la plus contestataire fera l’objet d’un déclassement en Vin de France que l’INAO justifiera par l’interdiction de produire un monocépage pour répondre à l’appellation Côtes du Rhône Villages.
Sur un sol d’argile rouge sont vendangés mûrs des cinsaults croquants, finement texturés. Le recours à la cuve béton préserve une expression intacte du fruit (framboise, cassis). A l’évidence les jus font parler des matières savoureuses à l’équilibre impeccable.
Jérôme Grieco parle de ses vins avec l'humilité des grands vignerons.J’aime à surnommer le Grenache "le Pinot Noir de la vallée du Rhône", tant le profil de ce cépage aux racines espagnoles peut déroger à son image originelle. Son exubérance méridionale sait en effet se muer, grâce à des rendements faibles et une exposition fraîche, en un cépage complexe, nuancé et élégant.
Située majoritairement en coteaux, la parcelle « Les Anglaises » surplombe Cabrières. Les 97% de Grenache (plus sensible à l’oxydation que la Syrah ou le Mourvèdre) délivrent dans cette cuvée des arômes de fruits noirs (mûre, cassis) combinés à une structure de large envergure, une matière épicée prolongée par les notes réglissées d’une finale synonyme de volume et de finesse.
Derrière cette cuvée à la robe pourpre sombre aux reflets bleutés se cache un artisan discret et pugnace dont la principale préoccupation est de retranscrire l’expression du terroir, sans artifice.
L’appellation aux galets roulés est incarnée avec réalisme par un vigneron réussissant une vendange d’une qualité indéniable avec la promesse, malgré les quantités faibles, de potentiels de garde absolument somptueux.
--- --- ---
Hubault 1539, 12 Rue du Connétable 60500 Chantilly
Téléphone : 03 44 60 37 64
Site: Hubault1539.com