De la valeur des choses

Hugo JACOMET
7/5/2012
De la valeur des choses

Gentlemen,

Si vous lisez ces mots, c’est que vous faites sans doute partie de ceux pour qui la vie ne se résume pas à « l’utile » et encore moins au « nécessaire », deux de ces horribles mots qui gangrènent notre société et qui ont tendance à la tirer vers le bas.

D’ailleurs je ne sais pas si vous avez remarqué, mais le courant de pensée dominant – et les discours journalistiques qui vont avec à la télévision et à la radio – use et abuse de ces mots qui attirent invariablement notre attention sur les aspects « pratiques » et « pragmatiques » de la vie et semble avoir depuis longtemps sonné le glas de toute pensée conceptuelle voire de toute transcendance philosophique et esthétique.

En d’autres termes, l’époque est au CONCRET, à L’UTILE et toute déviation de cette ligne de pensée est sévèrement réprimée dans tous les talks-shows radiophoniques et télévisuels actuels. Amusez vous d’ailleurs à compter, dans n’importe quel débat, le nombre de fois où les journalistes utilisent la fameuse relance « oui, mais concrètement qu’est-ce que cela veut dire ? » ou encore pire « tout ceci ce sont de belles idées, mais concrètement comment cela se traduit-il ? Parce que vous savez aujourd’hui, les gens veulent du tangible et du concret… »

Ce petit constat pourrait vous sembler anecdotique. Pourtant, je pense qu’il ne l’est pas et que ce mal est en train de ronger nos civilisations occidentales en profondeur en faisant oublier aux gens que la vie ne se résume pas en une somme de contraintes mais peut et devrait laisser de la place à des activités – et pas forcément uniquement dans le domaine des loisirs - dont la valeur réside, précisément, dans leur parfaite inutilité.

Prenons l’exemple de notre sujet de prédilection : l’élégance masculine.

Combien de fois avez vous entendu ou même prononcé la fameuse phrase : « Combien coûte ce costume ? » plutôt que la phrase, sans doute plus correcte pour les amoureux de la belle ouvrage et des belles choses, « combien VAUT ce costume ? ».

Ici encore le distinguo peut vous paraître peu important. Pourtant, la différence entre ces deux verbes est absolument gigantesque, car d’un côté il est question d’une contrainte avec une connotation plutôt négative (couter induit la notion d’effort) alors que de l’autre la vraie question est posée : quelle est la VALEUR d’un objet ou d’un service ?

Gentlemen, nous qui aimons les beaux objets et singulièrement les beaux vêtements, nous devrions tous nous engager dès aujourd’hui, la main sur le coeur, à ne plus utiliser cet horrible verbe « couter » lorsque nous parlons de l’achat éclairé de notre prochain costume ou de notre prochaine paire de souliers…

Car nous tous, passionnés d’élégance et promoteurs d’un mode de vie dans lequel l’esthétique n’est pas reléguée au rang d’activité « superficielle », savons, par exemple, la somme de savoir-faire et de travail qui se cachent derrière un beau costume réalisé dans les règles de l’art ou derrière une belle paire de souliers à lisses rondes montée en good-year.

Ces gestes, ces techniques ancestrales, ces savoir-faire uniques ont une réelle VALEUR dans le monde médiocre et mécanique dans lequel nous vivons. Et ce sont ces valeurs que PG a décidé de défendre sans concession.

Pour vous en convaincre, allez visiter un atelier de grande mesure (Cifonelli, Camps de Lucca, Attolini pour les costumes ou Courtot, Charvet, Lucca pour les chemises) ou un atelier de bottier sur mesure (Corthay, Gomez, Delos, Bestetti) et vous allez comprendre très vite ce que j’entends par VALEUR. Allez rendre visite à ces artisans nobles qui travaillent sans relâche pour notre élégance et notre plaisir.

Prenez le temps de comprendre et d’admirer ces gestes d’une extrême complexité : la couture d’une boutonnière milanaise, le montage d’une épaule rentrée à la main mouillée au fer chaud ou encore les gestes extrêmement physiques d’un bottier sur mesure "au tabouret" en train de transpirer sur son ouvrage…

Bien sûr, les addicts du Bespoke (vestiaire ou souliers) connaissent mieux que quiconque les centaines d’heure de travail qui se cachent derrière un costume Bespoke ou une paire de souliers mesure.

Pourtant, cette notion de VALEUR s’applique aussi à certaines autres maisons qui restent intransigeantes sur la qualité de leurs produits prêt-à-porter (Feu Arnys, Guyot) et font l’effort de trouver les meilleurs ateliers pour délivrer la meilleure qualité possible à leurs clients exigeants.

Gentlemen, nous sommes de plus en plus nombreux à nous éduquer sur ces sujets et la tendance n’est pas prête à s’essouffler.

Donc respectons les artisans qui réalisent, dans notre pays, de merveilleuses pièces et faisons attention à ne plus utiliser cet horrible verbe qui ne rend pas grâce à leur savoir-faire.

Pour un cadre qui travaille à la Défense et qui porte un costume thermocollé par obligation, 200 euros sont un coût.

Pour un esthète qui aime les beaux costumes, les cols de chemises montés en libre et les souliers montés en good-year, 1000 euros représentent une valeur.

Donc, la prochaine fois que vous serez dans un atelier ou dans une échoppe de grande qualité, efforcez vous de poser cette question : « combien VAUT cette pièce ? ». Et vous verrez que le regard de votre interlocuteur changera radicalement…

«Une chose n’a pas de valeur parce qu’elle coûte, comme on le suppose, mais elle coûte parce qu’elle a une valeur » Etienne de Condillac.

Cheers, HUGO

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