Contrairement à d’autres éléments du vestiaire masculin, le soulier n’est pas uniquement un accessoire esthétique : il est vital d’être bien chaussé, d’être accompagné et soutenu dans la marche par des articles de qualité. Le soulier a donc toujours fait partie des investissements indispensables du gentleman.
La créativité technique et esthétique de l’art bottier atteint aujourd’hui un niveau impressionnant auquel, paradoxalement, s’oppose la médiocrité industrielle de chaussures aux matières inférieures et aux constructions approximatives. Comme dans la plupart des aspects du monde de l’élégance masculine, pour les entreprises indépendantes, le salut économique réside naturellement dans le culte de la qualité.
Sous Napoléon 1er, deux frères Caulaincourt furent généraux. Quelques générations plus tard, en 2008, issu de cette même famille, le très raffiné Alexis Lafont affirme ses racines et son ancrage dans l’art bottier et l’artisanat français, faisant fièrement figurer les symboles impériaux sur les souliers produit par sa maison : l’abeille pour la collection Paris ; le N couronné pour la collection Napoléon.
Avec un souci valeureux pour la qualité des cuirs, ce qui distingue Caulaincourt, c’est l’inspiration de ses patronages et le bon goût de ses propositions stylistiques.
La collection Paris désigne les souliers voués à être patinés mais dont les composantes ne sont pas modifiables (490€). Les modèles dits « Napoléon » sont ceux qui correspondent aux commandes spéciales : on choisit alors la forme, le cuir, le laçage, la semelle, etc. Le supplément est de 195€ et le délai de livraison de huit semaines.
Il ne s’agit donc pas de « mesure » au sens propre puisque le soulier n’est pas réalisé selon la morphologie personnelle de chaque client. En revanche, on choisit la forme la plus adaptée en termes de confort sur laquelle on construit ensuite le modèle que l’on préfère. En effet, à partir d’une douzaine de formes et d’une cinquantaine de modèles, les choix proposés par la maison Caulaincourt sont à peu près infinis : modes de laçage, différents montages (Blake, Goodyear, bolognais, norvégien, stormwelt…), type de semelles, type de lisses, motifs, décorations, etc. Les finitions sont très nombreuses (couleurs des fils, crénelage de la lisse, épaisseur des coutures, etc.).
Le principe est simple et consiste à combiner les possibilités techniques de chaque élément du soulier et le choix d’un cuir. Son seul écueil est celui de l’abondance : on voudrait tout essayer. D’autant que le service de patine incite à aller très loin dans le raffinement et la personnalisation et que, de l’espadrille à la hiking shoe, l’envergure des propositions est maximale.
Surtout, ces possibilités sont l’objet d’une discussion prolongée avec un personnel qualifié conscient des contraintes techniques, de l’intérêt de certaines combinaisons ou de leurs limites. On peut ainsi discuter de l’avantage d’un type de semelle ou de montage en relation avec la forme, avec l’usage qu’on peut avoir du soulier, etc. A cet égard, Caulaincourt s’adresse aussi bien aux connaisseurs friands d’expérimentations qu’aux débutants qui ne demandent qu’à se laisser guider.
Afin de tester l’offre Caulaincourt, j’ai longuement discuté avec Alexis Lafont, dont la passion se mêle à des connaissances très étendues. J’ai choisi un modèle qui permette de mettre en avant les différents points forts de la maison : une bottine bi-matière et bicolore.
Sur le modèle Sherlock, et sur une forme appelée Dragon, à la pointe légèrement carré et plongeante, le cuir museum calf possède une patine naturelle qui rend inutile un patinage supplémentaire. Allié à un veau-velours bleu, ce cuir est très polyvalent. La partie en veau-velours peut bien sûr être remplacée par du cuir, mais aussi du tweed, une toile denim, etc.
La réalisation n’a pas déçu, au contraire. Le travail cordonnier est soigné, comme en témoignent les fers encastrés à vis. Le bout lisse avec un contour décoré de perforations conjugue une belle sobriété avec un certain relief. On aboutit ainsi à un modèle très sophistiqué mais très portable. La fluidité des lignes de l’ensemble est indiscutable. Le cousu Goodyear, avec un débordant mesuré, est cohérent avec la solidité de la bottine mais ne l’alourdit pas du tout. Le chaussant est précis et le cuir impeccable.
C’est un modèle très réussi dont le design est unique puisqu’il résulte de choix personnels. C’est le grand avantage de Caulaincourt : maîtriser tous les tenants et aboutissants d’un soulier. On peut par ailleurs commander des modèles qui ont déjà été créés dans le passé en s’inspirant des images publiées sur le site. A noter, Caulaincourt propose aussi de la maroquinerie (également customisable, notamment de superbes ceintures et de très beaux cartables, dont le modèle Oscar à la fermeture originale).
Si vous recherchez un oxford noir à bout droit lisse, il est peut-être dommage de se priver de la variété stylistique proposée par Caulaincourt (encore que : le modèle Armstrong existe, avec une pointe plus fine qu’à l’ordinaire…). En revanche, si lassé des souliers trop rebattus, on recherche une vraie interprétation des modèles classiques, on peut pousser l’exploration et satisfaire sa curiosité stylistique.
Ce positionnement de la maison Caulaincourt répond finalement aux tendances profondes de l’élégance masculine : des choix qui s’inscrivent dans la tradition mais une tradition nourrie par une appropriation passionnée et non par l’adoption routinière de prescriptions sartoriales qui n’existent plus.Une maison qui s’inscrit donc dans la continuité de l’art bottier tout en l’ouvrant aux adaptations contemporaines.
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Spécificités techniques du modèle réalisé :
Modification MTO par rapport au modèle de départ (Bottine Richelieu Balmoral Sherlock, voir ci-dessous) :
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Site web, e-shop et adresses des boutiques : Caulaincourt Paris